Dans certains dialectes africains, on dit: «la musique me danse» et non «je danse sur la musique». Ainsi je ne dis pas que je joue du piano, puisque c’est le piano qui me joue.
La musique s’est toujours imposée à moi comme une vision du monde. Elle aurait pu être la langue de tous les hommes. Mais l’histoire en a décidé autrement et les langues, contrairement à la musique, peuvent permettre de dire ce que l’on ne pense pas!
La musique me parle donc, la musique me pense, et moi, je cherche à partager ce qu’elle me dit et m’offre de trésors cachés. J’ai souvent préféré transmettre par l’enseignement, qui ne se laisse jamais gagner par la routine, plutôt que par des concerts répétés.
Mais quand l’occasion se présente d’un échange exceptionnel, alors le piano m’entraîne sur ces chemins : ni lui ni moi n’avons le choix. Et ce piano qui me joue, je ne lui laisse pas tout faire.
Mon dispositif de High Line
Pour cela, j’ai mis en place dans mon jeu, un échafaudage complexe, le dispositif High Line, dont le but est de faire naître une ligne Harmonique-Mélodique aussi pure que possible, rejetant tout stéréotype.
Elle repose initialement sur le choix d’une mélodie simple, populaire, récurrente – trois notes d’un accord par exemple. Elle s’appuie ensuite sur une réharmonisation (étude de l’accompagnement, des accords) qui, par son traitement contextuel, permet de redonner de l’attention à cette mélodie, de voir ce qui était devant nos yeux mais absent de notre conscience, grâce à la découverte soudaine, surprenante, d’un nouveau rapport sonore.
L’impact de la High Line
Dès lors, rien n’est joué à l’avance : le scénario musical se construit et chemine au fur et à mesure pour ouvrir un espace dans lequel le musicien tout autant que les auditeurs peuvent émettre des attentes, des souhaits, des résistances.
La complexité structurelle m’oblige alors à me dépasser. Tout potentiel déployé, j’ai le devoir et la contrainte de donner le sens et la simplicité à la musique. Cette simplicité s’incarne dans ces notes qui en remplacent cent autres, cette High Line que je compare à une vague déferlante, qui recouvre tout sur son passage.
L’élaboration d’un rythme évocateur
Enfin, la rythmique se rapproche davantage de la prosodie du langage parlé que des rythmes utilisés couramment. L’objectif est esthétique ; mais il s’agit également de stimuler les centres du langage. Retrouver ainsi un système de communication proche de la parole chez le jeune enfant qui ne possède pas encore le langage. Je cherche à ne jamais oublier que la musique est un langage universel.