Dalcroze-Kaddouch, une histoire d’espace !

Martine Jaques-Dalcroze, petite-fille de l’éminent pédagogue Emile Jaques-Dalcroze, était venue m’accueillir à Genève, à l’occasion d’une conférence à l’Institut Dalcroze qui avait pour thème « La transmutation du vécu en savoir ». Entre les studios de la radio où elle m’avait accompagné pour une présentation de ma conférence et l’auditorium de l’Institut, elle m’avait relaté une anecdote qui positionnait les prémices de la méthode d’éducation musicale de son grand-père . J’ai considéré cette histoire comme un témoignage de confiance et un cadeau de bienvenue, je l’en remercie encore.

Institut Dalcroze de Genève
Conférence de Robert Kaddouch

ta-ta-ta-ta-plouf

Racontée par Liliane Favre-Bulle, une de ses anciennes élèves, une anecdote qui éclaire d’un jour nouveau les débuts… et les ressorts de la rythmique :

Un jour, après une leçon qui n’avait pas vraiment marché comme sur des roulettes, Emile Jaques-Dalcroze ramenait à la maison un petit élève, fils d’amis à lui, qu’il avait en classe de piano.

Ils traversaient le parc des Bastions, à Genève. Il venait de pleuvoir et, avisant les flaques, le petit garçon fit comme tous les enfants : il lâcha la main d’Emile et se mit à courir pour sauter dans l’eau, opération qu’il répéta d’une flaque à l’autre au rythme de ta-ta-ta-ta-plouf, ta-ta- ta-ta-plouf, ta-ta-ta-ta-plouf…

Sur quoi Jaques-Dalcroze se frappa le front et expliqua par la suite à Liliane : « J’ai réalisé que j’avais tout faux, et qu’avant de comprendre la musique avec la tête, il faut la vivre par le corps ! »

A la leçon suivante, il demanda à son élève de lui jouer ce qu’il avait couru dans le parc. Et c’est ainsi que le petit garçon saisit, beaucoup mieux qu’à travers tout exemple théorique, le rythme, le phrasé et les nuances de la musique, en traduisant avec ses doigts ce qu’il avait joué avec ses pieds.

Cette belle histoire qui relate la naissance de la rythmique Dalcroze, témoigne en même temps d’une pensée pédagogique créative. Elle montre que, comme disait Pasteur : « dans le champ de l’observation, le hasard ne favorise que les esprits éclairés » .

Le thème de ma conférence de rentrée des professeurs à l’Institut Dalcroze de Genève « La transmutation du vécu en savoir » concernait ma démarche de délocalisation, de transposition et d’abstraction de ce vécu. La problématique posée était que les jeunes « rythmiciens Dalcroze » puissent évoluer sur leur clavier à l’image de la libération de leur corps dans l’espace et il semblait que ce prolongement n’aille pas de soi.

Dans son ouvrage «la science et l’hypothèse» Poincaré avait déjà écrit : « localiser un objet dans l’espace, c’est se représenter les mouvements qui seraient nécessaires pour l’atteindre. Ce n’est pas une question de se représenter les mouvements eux-mêmes mais simplement les sensations musculaires qui l’accompagnent.»


La pédagogie Kaddouch encourage et préconise l’utilisation de l’espace pour structurer une pensée sonore et abstraite. Elle conçoit un lien étroit entre l’espace et les fonctions cognitives qu’elle renforce en stimulant chez le musicien la perception multimodale. D’où l’élaboration de notations (La Notation Kaddouch Junior, ou la Notation K) qui valorisent chez l’enfant, l’utilisation de l’espace comme support de pensée. « Enseigner l’interprétation musicale – Réflexions et techniques »éd. Ressouvenances

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