L’approche du piano
1. Le coin piano, un espace affectif
La première étape de l’approche instrumentale est indirecte, implicite. Elle consiste à provoquer, faire naître : c’est l’art d’aménager le coin piano pour qu’il devienne un espace de jeu et d’expression.
On y met ce que l’on aime! Bienvenue aux peluches, doudous, voitures en plastique mou, livres… le piano devient un terrain de jeu, un espace à vivre, à s’exprimer, à chercher, il devient un allié, il fait partie du quotidien, il est comme le foyer de cheminée : chaleureux, convivial, c’est un lieu de partage, de communication
2. Ciné Piano
La deuxième étape consiste à faire aimer l’intrument, à l’animer (animer : donner la vie), c’est l’étape du piano en mouvement, le piano animé, le ciné Piano (ciné : mouvement).
Quand j’ouvre le piano, l’enfant est fasciné par le ballet des marteaux qui tapent sur les cordes, c’est un vrai théâtre de marionnettes. Sur les cordes du piano à queue, je fais la “Mare aux Canards” en positionnant sur les cordes des petits canards qui vont bouger, sauter quand je joue sur le clavier en faisant vibrer les cordes.
L’enfant peut gratter, pincer, caresser les cordes pour obtenir des sons toujours nouveaux. Le couvercle aussi est une percussion, les touches effleurées sont un guiro (instrument à “gratter” utilisé au Brésil). Une feuille, des clés métalliques entre les marteaux et les cordes, et le timbre change. Le piano droit devient aussi une cabane quand on retire la partie sous le clavier, c’est la “cachette du capitaine crochet”.
Voilà un véritable entraînement auditif et une initiation à la musique contemporaine : même les grands compositeurs ont fait tout cela, c’est le Piano Préparé de John Cage.
3. Supprimer les résistances
Apprivoiser cette masse de 350 Kg est aussi impressionnant pour un tout-petit enfant que pour un adulte. Le compositeur Enrique Granados comparait le piano à queue qui l’attendant sur scène à un Toro qu’il lui faudrait combattre !
Ainsi, il est important de considérer ce qu’un petit enfant peut s’imaginer en voyant un clavier. Un de mes petits élèves s’est une fois exclamé : “on dirait une bouche avec des dents!”
La main dans la gueule du lion
La démarche éducative doit ensuite permettre à l’enfant de lever ses résistances, de mettre la main dans la gueule du lion pour s’apercevoir que c’est sans risque, c’est le rôle des “châtouilles au clavier” pendant lesquelles l’enfant agite ses mains sur les touches en faisant des “guilis” qui lui font rire et qui le familiarisent avec le clavier.
Le petit pont
Le procédé du petit pont permet de graduer l’investissement dans l’espace, il permet à l’enfant de délimiter un espace à la mesure de ce qu’il veut y investir, il fait sa cabane sur le clavier.
Pénétrer la touche, la perception de la micro-accélération, de la transition
Il faut penser aussi au choc des doigts contre la touche et générer des exercices ludiques qui permettent de réduire l’interface du clavier, cette surface qui rompt le mouvement, qui l’intercepte.
L’objectif de ces exercices étant de concevoir une autre forme de mouvement lié à la sensation du doigt qui pénètre la touche et qui sculpte le son.
Rotation et translation
Adapter la main, tout en circularité, à la latéralité du clavier, tout en translation (image de l’engrenage du volant de la voiture)
Favoriser la motricité libre
L’improvisation permettra au professeur d’observer les mouvements naturels opérés par son élève. Mouvements qui constitueront la base, les fondements de sa technique ultérieure.
L’enfant est maintenant l’allié, l’ami du Piano !
4. Quelle conduite le professeur doit-il tenir à cette étape ?
Et bien, c’est le moment de libérer l’élan, et pour ce faire, il faut écarter toute référence, toute attente, tout stéréotype, l’enfant va faire danser son piano, et peut-être, le piano va le danser ?
A ce stade, « le pianiste est chorégraphe de ses mains », car les enfants aiment les procédures. Ils aiment passer une main par dessus l’autre, jouer en symétrie… alors laissons-les expérimenter les ballets que font leurs bras et leurs mains, ils créent ainsi la matrice de leur dispositif pianistique.
L’idée de certaines de nos compositions est, comme dans cette danse, de musicaliser les mouvements qu’ils font spontanément : le morceau devient alors une restitution sonore de leurs gestes
Prochain article : l’imitation …..